Par Sophia Balestri, au Editions Le Manuscrit
Synopsis
Printemps 1667, dans le Sud Ouest de la France.
Descendant d'une longue lignée de militaires, Almonis ne vit cependant que pour la poésie et s'évade continuellement vers son univers idyllique. La mort tragique de son frère cadet l'entraînera, bien malgré lui, à s'engager vers ce qu'il abhorre : une carrière de soldat. Déchiré, il quittera son village natal pour un sombre chemin vers l'inconnu.
Contre toute attente, sa route croisera celles de personnages hauts en couleurs, et ce qui ne devait être qu'une halte pour son enrôlement se révèlera une résurrection ; l'amour, qu'il a toujours sublimé s'incarnera sous les traits de Lisore, noble orpheline sous la tutelle de son frère, se refusant aux contraintes de son rang et partageant ses idéaux. La jeune femme au tempérament enflammé l'initiera aux vertiges de la passion et éveillera en lui une force originelle jusque là ignorée. Dès lors, ils lutteront âprement pour leur liberté naissante.
Cette foi absolue suffira-t-elle à les préserver de leurs sorts ?
Extrait
Je travaillais dans la ville où j’avais vu le jour ; seule la classe bourgeoise y avait le privilège d’un enseignement accompli. Alors que tous les jeunes garçons d’origine modeste devaient se contenter de trois ou quatre années de petite école - d’où l’on ressortait en sachant à peine lire et écrire - j’avais eu la chance de recevoir l’enseignement secondaire d’un ancien maître, en échange de services rendus. Le vieil homme s’était fort réjoui de mon assistance et s’était efforcé, avec bonté, de satisfaire ma soif intarissable de savoir. J’avais très vite pris conscience de la portée de cette faveur, n’étant que le fils aîné d’un couple d’aubergistes. Nous étions quatre frères et sœur : Laken, mon cadet, engagé dans l’armée royale selon la tradition familiale maternelle, Amélie ou, l’incarnation vivante de la douceur, et Oscar le benjamin, notre facétieux jouvenceau.
Degoisvenelles était un site très couru, car il ne se trouvait qu’à vingt lieues de la ville principale du Comté, Montmissac, juste aux abords de la route qui traversait la région. De nombreux voyageurs faisaient halte chez nous, ce qui nous procurait l’aisance nécessaire à une existence tranquille. Cependant, cela ne suffisait pas à nos parents qui, toujours plus exigeants quant à nos revenus requéraient plus de confort. Notre mère s’obstinait à ce que je change de profession car l’écriture ne m’amenait selon elle, qu’à fréquenter les turlupins et dépenser le sou. Elle citait celle de mon frère en digne exemple ; bien que j’admirais mon cadet pour sa bravoure, je ne pouvais m’imaginer un instant dans cette activité quasi-barbare, n’ayant de noble que l’étendard…
Notre génitrice ne le tolérait point, descendante directe d’une longue lignée de militaires. Cette dernière avait coutume de transformer ces simples soldats en héros prestigieux, dans les interminables récits qu’elle nous avait relatés des centaines de fois. Dans les faits, seul son aîné, que nous ne connaissions qu’à travers leur correspondance, s’était illustré lors de batailles victorieuses et avait terminé sa carrière en gradé. Veuve très jeune d’un bas officier qu’elle avait fort admiré, elle avait conservé une certaine nostalgie de ces distinctions. Elle ne s’était jamais consolée de son second mariage avec notre père, bon économe mais vulgaire aubergiste. Nous avions grandi entre les exploits exagérés de ses aïeux et les remontrances à notre géniteur quant à sa terne condition.
Pour ma part, je n’avais que dédain pour l’armée et ses principes de guerre qui me rebutaient ; je n’y voyais que des hommes rustres et balourds, prêts à s’entretuer. Je sus bien plus tard que des âmes courageuses ornaient aussi ces garnisons.